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L'histoire acadienne, au bout des doigts

Île du Prince-Édouard Version imprimable

 

Un brin d'histoire

Si les Acadiens se sont établis dans la région d'Évangéline vers 1812, leur présence à l'Île-du-Prince-Édouard remonte cependant à une époque beaucoup plus lointaine. Les premières familles acadiennes ont déménagé à l'Île dès 1720, à l'époque où elle était une colonie française appelée île Saint-Jean. Ces Acadiens se joignaient à quelques centaines de colons venus directement de la France en 1720. On voyait ainsi naître les établissements de Port-Lajoie (aujourd'hui Charlettetown), Havre-Saint-Pierre, Tracadie, Malpèque, Pointe-Prime et plusieurs autres.

Ces Acadiens venaient de l'Acadie, c'est-à-dire de la Nouvelle-Écosse péninsulaire. D'origine française, ils avaient bâti depuis quelques générations plusieurs communautés florissantes telles Port-Royal, Grand-Pré, Cobequid et Beaubassin.

En s'implantant à l'île Saint-Jean, les Acadiens quittaient un territoire dominé par les Anglais. Effectivement, ces derniers étaient en possession de l'Acadie depuis 1713. Malgré la situation politique, les Acadiens ont longtemps hésité à abandonner leurs belles terres pour recommencer à neuf dans l'île.

Ils n'y traversent donc qu'en petit nombre les premières années. La situation changea significativement à partir de 1749 quand la tension, créée par la présence militaire anglaise et française dans leurs villages, devint insupportable et la menace de déportation de plus en plus évoquée. C'est pourquoi entre 1748 et 1752, les Acadiens émigrèrent en grand nombre faisant gonfler la population de l'île de 735 à 2 223. Et lorsque la Déportation débuta en Nouvelle-Écosse en 1755, de nombreuses familles acadiennes se réfugièrent dans l'île,mais peine perdue. En 1758, la colonie insulaire tombe également aux mains des Britanniques qui décidèrent d'expulser en France la population qui se chiffrait alors à environ 5 000 âmes.

Tous ne furent pas déportés. On estime qu'à peu près 2 000 habitants de l'île Saint-Jean ont pu échapper à la déportation en se réfugiant sur la terre ferme ou simplement en se cachant dans les bois.

Après la Déportation

Une fois la paix revenue entre la France et la Grande-Bretagne et le que le Traité de Paris fut signé en 1763, un certain nombre de familles et d'individus revinrent graduellement à l'île où flottait désormais le drapeau britannique. Plusieurs y revinrent pour pêcher au service d'entrepreneurs anglais. Ces Acadiens et Acadiennes arrivèrent à l'île en provenance de la baie des Chaleurs, du sud-est du Nouveau-Brunswick, des îles Saint-Pierre et Miquelon et même de la France. Ils formèrent quelques petites communautés composées de familles unies par des liens de parenté,

Entre-temps, le gouvernement anglais fit arpenter l'île pour la diviser en 67 cantons ou lots. Ceux-ci furent attribués à des notables britanniques envers qui la Couronne était redevable. Ils devaient y établir des cultivateurs à bail. Ainsi s'établit dans l'île un régime de propriétaires absents. Comme les autres colons de l'île, les Acadiens ne purent pas échapper à ce système et ils durent se faire tenanciers pour demeurer dans la colonie. Ceci impliquait une redevance annuelle versée au propriétaire. Ce «loyer» comprenait une somme en argent, mais aussi une partie de leur récolte et un animal de leur troupeau. L'expérience s'avéra pénible. Les Acadiens entretinrent des rapports difficiles avec les propriétaires et leurs agents. Parfois victimes de malhonnêteté et souvent incapables d'honorer leurs baux, ils se voyaient forcés de quitter des terres qu'ils avaient défrichées et cultivées pendant de nombreuses années pour s'exiler dans un autre endroit et recommencer leur labeur.

La fondation de la région d’Évangéline

L'arrivée des familles acadiennes dans la région Évangéline est une conséquence directe du système foncier de type seigneurial implanté dans l'île en 1767 par la Grande-Bretagne. Ces familles habitaient auparavant à la baie de Malpèque où pendant au moins 30 ans elles avaient cultivé des terres dans les lots 16, 17 et 19. Au cours des années, elles se sont pliées bon gré mal gré aux exigences des différents propriétaires qui se sont succédé. Le mieux connu est le colonel Harry Compton qui acquit le lot 17 en 1904 et déménagea d'Angleterre pour s'occuper de son domaine. Bien qu'au début les Acadiens semblaient bien s'entendre avec lui, les relations se détériorèrent au point qu'un groupe de locataires choisit d'abandonner les terres qu'ils exploitaient depuis longtemps dans l'espoir de trouver une vie meilleure dans le lot 15. À cet endroit, ils fondèrent La Roche (Baie-Egmont) et Le Grand-Ruisseau (Mont-Carmel).

En arrivant dans ce coin inhabité de l'île, la plupart des familles acadiennes s'établirent à titre de «squatters», c'est-à-dire illégalement. Ils savaient que le propriétaire ne s'occupait pas de sa concession et ils espéraient pouvoir éventuellement acquérir ces terres et en devenir les véritables propriétaires. D'ailleurs en décembre 1813, quatre Acadiens réussissent à acheter 500 acres de ce canton lors d'une vente à l'encan. Mais ce n'est qu'en 1828, quelques années après que le gouvernement insulaire eut confisqué le canton du propriétaire, qu'une soixantaine d'Acadiens parvinrent à acheter les terres qu'ils occupaient, et ce, à un prix relativement accessible.

En 1852, le gouvernement de la colonie invita publiquement les Acadiens de l'île à acquérir à bon marché des terres dans le lot 15. Par ce geste, il cherchait à réparer le tort que le gouvernement britannique avait causé aux Acadiens en ne leur restituant pas, après le Traité de Paris, les terres qu'ils occupaient avant la Déportation. On peut donc dire que le lot 15, dans une grande mesure, a été réservé aux Acadiens. Ce geste gouvernemental explique en partie pourquoi ce lot est aujourd'hui le canton acadien le plus homogène de la province et aussi celui où la langue française est la plus vivante.

La région Évangéline déborde cependant les frontières du lot 15. La plupart des enfants des fondateurs et des familles qui arrivèrent dans la région après 1830 durent s'installer plus loin de la côte dans les lots adjacents 14 et 16. C'est là où se situent de nos jours en tout ou en partie les districts de Saint-Philippe, Saint-Hubert, Saint-Gilbert et Urbainville. Le village de Wellington., qui se trouve aussi dans le canton 16, s'est développé avec la construction de la gare ferroviaire en 1873-74. Les premiers résidents acadiens y sont arrivés à cette époque.

Les familles acadiennes

En 1828, 61 familles acadiennes établies dans le lot 15 reçurent en bonne et due forme les titres des terres qu'ils occupaient. Parmi ces familles on dénombre seulement huit patronymes : 32 Arsenault, 15 Gallant, 4 Richard, 3 Bernard, 3 Poirier, 2 Downing, 1 Aucoin (Wedge) et 1 Cormier. Les liens de parenté sont nombreux entre ces familles regroupées en clans dans plusieurs petites agglomérations. Le nom Downing ne figure plus aujourd'hui dans la région, alors que quelques autres patronymes comme Barriault, Caissie, Gaudet, LeClair et Maddix se sont ajoutés depuis.

Portrait des régions acadiennes

La plupart des Acadiens actuels de I’Île descendent d'une trentaine de familles qui ont pu échapper au massacre. Après de nombreux problèmes qui les obligèrent à déménager à plusieurs reprises et tou recommencer à neuf, ils réussirent avec le temps à fonder de nouveaux villages et de nouvelles paroisses : Rustico, Rivière-Platte (Miscouche), La Roche (Baie-Egmont), Saint-Louis, Tignish, Souris, Grand-Ruisseau (Mont-Carmel), etc. Ces nouveaux villages étaient le plus souvent situés sur des terres basses, mais ils avaient l'avantage d'être éloignés de leurs anciens domaines dorénavant exploités par les Anglais et plus difficiles d'accès.

À partir du début du 19e siècle, les Acadiens ont pu s'établir, s'organiser et progresser dans une relative tranquillité. Progressivement, ils se sont tournés vers la mer qui leur apportait un complément de ressources. Partout, ils se multiplièrent rapidement, grâce à un taux de natalité très élevé. Mais avec la forte immigration anglaise dans l'île (devenue Île-du-Prince-Édouard en 1798), les Acadiens ne purent rester entre eux bien longtemps. Ces nouveaux arrivants se comportaient en conquérants et s'établirent à l'intérieur ou à proximité des villages acadiens la plupart du temps. Dès qu'ils formaient un certain nombre, ils exigeaient que le curé soit anglais, que l'instituteur soit anglais, et ainsi de suite. Comme les Acadiens étaient restés craintifs et soumis suite aux persécutions dont ils avaient fait l'objet, ils acceptèrent sans trop protester.

Le résultat fut qu'avec le temps, l'anglais s'imposa comme langue première et que le français a partout tendance à disparaître. Dans tous les villages à l'est de l’île : St-Charles, Souris, Rollo Bay, Georgetown, le français n'est plus parlé. À Rustico comme à Miscouche, deux beaux petits villages jadis entièrement acadiens, c'est presque la même chose: les personnes plus âgées parlent encore français, mais les jeunes parlent maintenant anglais. À la pointe ouest de File, on constate le même phénomène. À Bloomfield, Palmer Road, Tignish, Saint-Louis, si quelques rares jeunes parlent encore le français et l'enseignement dans les écoles se fait exclusivement en anglais. Certains tentent maintenant de reprendre le terrain perdu par des cours d'immersion, mais il s'agit là d'une entreprise titanesque. Inutile de parler des grands centres comme Charlottetown et Summerside où les Acadiens sont littéralement noyés dans la masse.

Seule la région Évangéline (les trois paroisses de Baie-Egmont, Mont-Carmel et Wellington, englobant à leur tour une douzaine de villages comme Urbainville, St-Raphaël, Abram-Village , St-Chrysostome, Petit-Cap, Grand-Cap, St-Philippe, etc.) est demeurée entièrement française jusqu'à maintenant, le groupe a réussi à demeurer assez homogène et contrecarre l'invasion anglophone. La région a obtenu une école homogène où de la 1re à la 12e année, toutes les matières sont enseignées en français. D’un point de vue économique, la région comprend quelques petites industries qui appartiennent à des Acadiens: chantier naval, construction, divers commerces. Mais la réalisation la plus remarquable demeure celle des coopératives, aussi bien les coopératives agricoles et alimentaires que celles des pêcheurs. Là, ils sont maîtres de leur économie.

 




Références :
Guide historique de la région Évangéline, George Arsenault, 1994 / Le Pays d’Acadie, Melvin Gallant, 1980, Les Éditions d’Acadie Ltée


Dernière mise à jour : ( 04-08-2008 )
 
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