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L'histoire acadienne, au bout des doigts

Historique de l'île Sainte-Croix Version imprimable

 

L'île Sainte-Croix avant la colonisation

Depuis 11 000 ans, des peuplades habitent la région où se trouve l'île Sainte-Croix. Les Amérindiens (Malécites) ont été les premiers à y vivre et ils ont visité à quelques reprises l'île où ils entreposaient de la nourriture. Plus tard, des bateaux de pêcheurs européens ont visité les eaux poissonneuses de la région et des coureurs de bois ont exploré les terres à la recherche de gibiers et de fourrures. Lorsque le commerce de la fourrure a finalement intéressé les grandes puissances de l'époque, soit l'Angleterre et la France, de nombreux navires ont quitté les ports européens en direction des terres du Nouveau Monde. Parmi eux se trouvait la Bonne Renommée, le bateau de Pierre Dugua de Monts. Ce dernier se dirigea, en compagnie d'une soixantaine d'hommes et des provisions, vers la région de Passamaquoddy. Aujourd'hui, l'île Ste-Croix et est située en partie au Nouveau-Brunswick et aux États-Unis.

Pierre Dugua de Monts

En 1600, Pierre Dugua, sieur de Monts se rend en Nouvelle-France et en Acadie et explore les lieux avec Pierre de Chauvin. Le 8 novembre 1603 au château de Fontainebleau, Pierre Dugua, sieur de Monts est nommé par le roi Henri IV, lieutenant général de l'Acadie qui est située entre le 40e et le 46e degré de latitude nord. La France amorce tardivement la colonisation des Amériques parce qu'elle est occupée par les guerres de religion qui sévissent sur son territoire. On utilise la traite des fourrures pour financer les nouveaux établissements. Pierre Dugua reçoit donc du roi Henri IV le monopole du commerce de la fourrure et de la pêche en Nouvelle-France pour une durée de dix ans. En retour, Dugua de Monts doit y établir des colonies françaises permanentes. Afin d'assurer sa réussite, Dugua demande à plusieurs hommes pratiquant différents métiers dont le cartographe Samuel de Champlain, le capitaine François Gravé Dupont et l'armateur Jean de Biencourt de Poutrincourt de faire partie de l'expédition. Samuel de Champlain a pour mission de faire un rapport au roi de tout ce qu'il observe.

L'arrivée des colons

Ile Sainte-Croix par ChamplainAprès avoir recueilli, grâce à un consortium de marchands, 90 000 livres et engagé près de 120 artisans et hommes d'équipage, l'expédition quitte le port de Havre-de-Grâce vers le 10 avril 1604. Les historiens croient que les colons ont débarqué à l'île Sainte-Croix à la fin du mois de juin 1604. De par sa situation géographique permettant une défense efficace contre les ennemis et la beauté de ses paysages, l'île Sainte-Croix est choisie par Dugua pour y établir le premier établissement européen permanent en Amérique du Nord. De plus, le sol y est fertile et propice à la briqueterie et, sur le continent, les colons peuvent s'approvisionner en eau douce.

L'habitation

Image de l'Habitation de l'Ile Sainte-Croix

Dès leur arrivée sur l'île, les Français ne tardent pas à établir la colonie. Tous les colons sont mis à contribution pour la construction de l'habitation fortifiée. Il faut mentionner que Dugua avait paré au coup en engageant des hommes de métier (charpentiers, forgerons, menuisiers, maçons, serruriers, scieurs de long, etc.). L'habitation est entourée d'une palissade de bois pour la protéger contre les animaux ou les rivaux potentiels. Deux rues traversent la place publique entourée de divers bâtiments : entrepôt pour les provisions, maison de Pierre Dugua arborant les armoiries du roi de France, logements pour les charpentiers, les Suisses, les curés et les gentilshommes, forge, puits, cuisine (ancrée à la falaise), boulangerie, cuisine, chapelle (à l'extérieur de la palissade) et salle publique. Au total, une vingtaine de bâtiments en bois et aux fondations de pierres et d'argile logeant les 79 (ou 80) colons qui resteront en Amérique après le départ de la Bonne Renommée. Sous les bons conseils de Dugua, quelques jardins sont également ensemencés afin que la colonie soit autosuffisante afin de parer au manque de provisions.

Relations avec les Amérindiens

Au cours de leur séjour dans la région, les Français rencontrent et se lient d'amitié avec quelques Amérindiens. La survie de la colonie est intimement liée aux relations entretenues avec les Premières nations puisque celles-ci participent activement à la traite de fourrures, principale source de revenus pour la colonie. À quelques occasions, les Amérindiens approvisionnent les colons en viande et enseignent les techniques de chasse et de pêche aux nouveaux venus.Les Français échangent de nombreux objets les Malécites, (perles de verre, hachettes, couteaux, tissus, tabac, rosaires, etc.) contre des peaux et des fourrures. Aucune guerre n'éclate entre les Français et les Amérindiens; ces derniers participent plutôt aux guerres franco-anglaises se déroulant en territoire nord-américain. Quant aux tentatives d'évangélisation, les Amérindiens les perçoivent comme un geste d'amitié.

Le dur hiver 1604-1605

La première tempête de neige couvre subitement l'île le 6 octobre 1604, mais les colons ne sont pas tout à fait prêts à affronter les rigueurs de l'hiver nord-américain. En effet, les Français croyaient que l'Acadie et la France, partageant la même latitude, avaient un climat tempéré similaire. Mais c'était sans compter le courant d'air glacial qui balaie le pays chaque hiver. La colonie française réussit tant bien que mal à vivre avec les revenus du commerce de la fourrure. Ce premier hiver passé sur l'île est pénible pour les hommes, puisqu'en plus de la température très froide, ils manquent de nourriture fraîche et d'eau potable. En raison des glaces épaisses se promenant sur la rivière Sainte-Croix, les colons ne peuvent accéder au continent et ils sont incapables de se procurer de l'eau et du gibier. De plus, les arbres abattus pour le chauffage des maisons privent les colons d'abris contre le vent. Au cours de cet hiver, près de la moitié des colons 36 (ou 35?) périt du scorbut, maladie causée par le manque de vitamine C dans l'alimentation.

La nouvelle colonie

Après ce tragique hiver, Dugua et Champlain décident de déplacer la colonie vers la terre ferme. Ils choisissent un endroit situé dans le bassin de la rivière Dauphin (rivière Annapolis), tout près de la Baie Française (Baie de Fundy). Les colons démontent quelques habitations et se dirigent vers la nouvelle colonie nommée Port-Royal. Tous espèrent que l'hiver suivant sera moins dur et, surtout, que la colonie aura assez de provisions afin que les habitants ne souffrent pas du scorbut. L'habitation de Port-Royal est différente de celle de l'île Sainte-Croix. En effet, elle est de forme carrée avec une cour intérieure. Tous les logements, le magasin, l'église et les autres salles sont construits mur à mur pour une meilleure conservation de la chaleur. Le magasin de Port-Royal est trois fois plus grand que celui de l'île Sainte-Croix. Les Français demeurent à Port-Royal jusqu'en 1607 : le roi de France enlève à Dugua son monopole de la traite de fourrures, n'ayant pas démontré sa capacité à coloniser la région. Sans ce commerce, Dugua n'a plus les revenus nécessaires pour financer la colonie; il repart donc en France avec tous les colons.

Île Sainte-Croix au cours de l'histoire

En 1613, Samuel Argall a pour mission de détruire chaque établissement français se trouvant au nord du 46e parallèle et détruit tout ce qui reste de l'habitation de l'île Sainte-Croix.

Par la suite, l'île Sainte-Croix est renommée île Dochet par les colons de la Nouvelle-Angleterre. En 1789, lorsqu'on détermine la frontière entre les États-Unis et le Canada, les commissaires arpenteurs découvrent que l'île Dochet est l'île Sainte-Croix. En 1812, au cours d'une guerre, l'île sert de lieu neutre pour la rencontre des Américains et des Britanniques.

Selon la légende, l'île Sainte-Croix serait le premier endroit où ont été célébrées les fêtes de Noël en Amérique du Nord. Afin de se remémorer les premiers temps de la colonie et quelques temps après l'attaque de Pearl Harbour (1941), le président Roosevelt a fait couper un arbre de 18 pieds provenant de l'île Sainte-Croix. Cet arbre a égayé les fêtes de Noël des invités de marque (Winston Churchill était parmi eux) de la Maison Blanche.

D'une superficie de 6,5 acres, l'île Sainte-Croix est située près de Calais dans l'état du Maine, à quelques mètres de la frontière des États-Unis et du Canada. D'ailleurs, la frontière est aujourd'hui située dans le lit de la rivière Sainte-Croix.

L'île Sainte-Croix au fil des siècles

 

XVIe siècle

Les Passamaquoddy nomment de nombreux endroits de l'estuaire de la rivière Sainte-Croix : Shoodic désigne la rivière Sainte-Croix alors que l'île porte le nom de « Muttoneguis ». La signification la plus plausible de ce nom serait un endroit où entreposer des choses, l'île était un lieu sécuritaire pour entreposer de la nourriture à l'abri des animaux. Les Passamaquoddy ont dû visiter l'île à quelques reprises, celle-ci étant située au coeur de leur territoire traditionnel.

XVIIe siècle

En 1604, les Français débarquent sur l'île. La rivière Shoodic devient la rivière Sainte-Croix en raison de son réseau cruciforme. L'île porte maintenant le nom d'île Sainte-Croix et les colons défrichent une parcelle de terrain pour y construire une habitation. Des jardins sont ensemencés, un puits est creusé et un moulin à eau est construit. Au total, 19 bâtiments de bois forment l'habitation de l'île Sainte-Croix.

Par la suite, les Français explorent le littoral, l'estuaire de la rivière Sainte-Croix et la région de Quoddy. Samuel de Champlain en dresse la carte et nomme certains endroits visités. Des liens se tissent entre les Français et les Amérindiens; ils échangent des objets contre de la fourrure.

Puis l'hiver enneige l'île dès octobre et les colons ne sont pas préparés à affronter les froids intenses de cette région. Seulement la moitié de la colonie survit au temps glacial, au scorbut et au manque de nourriture. Au retour du printemps (1605), la colonie de l'île Sainte-Croix est abandonnée; les Français s'installent à Port-Royal.

L'île est quand même visitée à nouveau par les habitants de Port-Royal. Champlain et Poutrincourt s'y arrêtent en 1606, lors d'une expédition alors que Lescarbot la visite en 1607 et constate que certains bâtiments sont restés intacts. Le capitaine Platrier y séjourne au cours de l'hiver 1611-1612. Puis, l'année suivante, l'habitation de l'île Sainte-Croix est totalement détruite par le capitaine Samuel Argall. L'île reste abandonnée.

En 1632, le nom d'île Sainte-Croix disparaît des registres et des cartes.

XVIIIe siècle

L'île porte à cette époque le nom d'île Dochet, en l'honneur de Theodosia «Dosia» qui s'y rendait souvent. D'autres la nomment, dans les années 1770, «Bone Island» en raison des os qui sortent du cimetière.

L'île Sainte-Croix est au coeur des discussions visant à déterminer la frontière entre les États-Unis, maintenant indépendants, et les colonies anglaises (Canada). En 1763, le traité de Paris met fin aux disputes et l'île devient un point de repère pour la frontière internationale. Une commission anglo-américaine est mise sur pied par la suite pour régler le litige entre les deux pays au sujet de l'identification de la véritable rivière Sainte-Croix. En 1797, Robert Pagan et Thomas Wright réussissent, grâce aux indications laissées par Champlain, à trouver l'emplacement réel de l'établissement colonial de Dugua de Monts : l'île de Dochet est en vérité l'île Sainte-Croix.

XIXe siècle

Toujours connue sous le nom de l'île Dochet, elle porte, au cours des décennies, différents surnoms : Île Neutre (1810), Grande ou Grosse Île (1820), Île des Os (1830) et Île Demonts (1860-1870). Sur une carte du Maine, elle est même identifiée par son nom passamaquoddy «Muttonenguis».

Tout au cours du siècle, des individus habitent l'île. Tout d'abord, au début de 1800, John Hilliker et sa femme s'y installent même s'ils ne sont pas propriétaires de l'île. Aucune habitation n'a semblé y être construite et la légende veut que les époux aient été enterrés sur l'île. Puis en 1812, le commerce entre les États-Unis et l'Angleterre est interdit et l'île sert de lieu de contrebande. Elle est alors nommée l'île Neutre.

Dans les années 1920, l'île devient propriété de John Brewer et les Hillikers restent sur l'île à titre de locataires. M. Brewer vend l'île à son frère en 1826. Même s'il ne vivra jamais sur l'île, Stephen Brewer y construit une ferme incluant une maison, une étable, des annexes et un appontement. Puis entre 1830 et 1855, plusieurs individus se succèdent sur l'île. Tout d'abord, la famille Mingo y réside; des jardins sont ensemencés et des vergers fleurissent un peu partout. Afin de vider et de saler les poissons, les Mingo bâtissent des constructions de bois. Les ruines de l'habitation de 1604 sont toujours visibles.

Puis arrive un dénommé Treat qui est remplacé par messieurs Chase et Thompson. Ceux-ci ont détruit les bâtiments de la ferme afin de se réchauffer durant les temps glaciaux. Ils demeurent sur l'île jusqu'à la construction du phare en 1857. En effet, après avoir acheté l'île aux héritiers de Stephen Brewer, le gouvernement américain y construit un phare ainsi qu'une maison et divers petits bâtiments. La section sud de l'île est par la suite vendue à quatre familles qui s'y installent; ils en demeureront propriétaires jusqu'en 1967.

Au milieu du XIXe siècle, une carrière de sable est exploitée sur l'île Sainte-Croix jusqu'en 1865. Des découvertes archéologiques ont été faites à cette époque, alors que les travailleurs de la carrière déterrent cinq petits boulets de canon.

XXe siècle

Le 25 juin 1904, trois majestueux bateaux sont ancrés près de l'île Sainte-Croix. Des cérémonies ont été organisées afin de célébrer le 300e anniversaire du premier établissement français sur l'île Sainte-Croix. Une plaque commémorative est dévoilée et installée sur un rocher tout près de la partie nord de l'île.

En 1976, un feu détruit le phare de l'île; les seules ruines qui restent sont la remise à bateau datant de 1885 et la maison de briques de 1906.

Le 8 juin 1949, le Congrès américain désigne l'île Sainte-Croix comme monument national, reconnaissant ainsi la signification et l'importance historiques de la région. Quelques années plus tard, en 1967, le Service national des parcs achète l'île de la Garde côtière américaine et les terrains détenus par des propriétaires privés. Finalement, le 25 septembre 1984, le Congrès reconnaît la signification historique que représente l'île pour les États-Unis et le Canada : l'île Sainte-Croix est maintenant un lieu historique international.


Dernière mise à jour : ( 08-08-2008 )
 
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