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L'histoire acadienne, au bout des doigts

Michel Leneuf de La Vallière et de Beaubassin (Administrateur de 1678 à 1684) Version imprimable

 

LENEUF DE LA VALLIÈRE ET DE BEAUBASSIN, MICHEL père, capitaine, commandant et gouverneur de l’Acadie, major, seigneur de Beaubassin. Baptisé le 31 octobre 1640 à Trois-Rivières et décédé en 1705. Troisième fils de Jacques Leneuf de La Poterie, gouverneur de cette ville, et de Marguerite Le Gardeur.

Après avoir étudié en France, Michel revint au Canada en 1657. Selon Charlevoix, il commandait à l’île Royale (île du Cap-Breton) en 1666 sous Nicolas Denys. Il épousa en premières noces, vers 1666, la fille unique de ce dernier, Marie Denys. Vers 1683, il épousa en secondes noces, Françoise, fille de Simon Denys de La Trinité. Il eut huit enfants, tous de son premier mariage.

Dès 1672, il aurait fondé un poste de traite dans l’isthme de Chignecto, tout en consacrant une partie de son temps à l’industrie de la pêche, la culture, la colonisation et aux armes. Le 24 octobre 1676, Buade de Frontenac lui octroyait un terrain de dix lieues carrées, à titre de seigneurie de Beaubassin. Plus tard, cette région deviendra l’un des points stratégiques des luttes entre Français et Anglais en Acadie.

Le 7 mai 1676, sur l’ordre de Frontenac, La Vallière alla croiser sur les côtes acadiennes afin d’épier l’ennemi. C’est ainsi qu’avec son beau-frère, le sieur Richard Denys de Fronsac, comme second au commandement, il saisit trois ketchs (navire 2 mâts) de Boston qui chargeaient du charbon au Cap-Breton; deux d’entre elles furent déclarées bonnes prises.

En 1678, il était promu commandant de l’Acadie, à la place de Pierre de Joybert. En 1681, il jouissait de la faveur de Frontenac qui le recommanda au ministre comme futur gouverneur, étant «un gentilhomme qui a toutes les qualités d’esprit et de courage nécessaires pour bien s’acquitter d’un tel employ». Duchesneau voyait d’un mauvais œil une telle protection, ce qui engendra un désaccord entre Duchesneau et Frontenac. Nommé gouverneur en 1683, La Vallière n’exerça ses fonctions que pendant un an à Port-Royal (Annapolis Royal, N.-É.), après quoi il réintégra son domicile à Beaubassin.

Ses nombreux démêlés semblent lui avoir nui. Le plus important fut celui qu’il eut avec Bergier qui dirigeait la Compagnie de la pêche sédentaire de l’Acadie depuis 1682. Bergier lui reprochait de gêner son entreprise par la distribution trop libérale de permis de pêche aux Bostoniens et de préparer ainsi la perte de l’Acadie. L’intendant de Meulles continua malgré tout d’appuyer La Vallière, mais la cour, cédant aux instances de la compagnie, le remplaça par François-Marie Perrot qui fut nommé gouverneur en avril 1684. La Vallière entretenait de bonnes relations avec le gouverneur de Boston Simon Bradstreet à qui, le 8 août 1684, il exprima son regret d’avoir appris de Bergier, arrivé de France, l’interdiction prochaine du commerce entre les deux colonies.

À l’automne de 1685, il avait l’honneur d’accueillir Jacques de Meulles à Beaubassin qui faisait une visite officielle en terre acadienne. L’intendant dut passer l’hiver en compagnie de La Vallière qu’il considérait comme la personne la plus apte à le renseigner sur la colonie. C’est grâce au petit voilier de La Vallière, le Saint-Antoine, affecté au cabotage entre Port-Royal et la baie Française (baie de Fundy) que l’intendant de Meulles put se rendre à Port-Royal au printemps de 1686. Sur les ordres de Brisay de Denonville, La Vallière retourna en France l’automne suivant rendre compte de la situation de l’Acadie. À cette occasion, Denonville exprima au ministre ses doutes sur les accusations portées contre La Vallière en Acadie.

Au cours de 1687, il confia son domaine seigneurial à son futur gendre, Claude-Sébastien de Villieu, et revint au Canada. Nommé garde de la marine en avril de cette même année, il reçut une double promotion en 1689 : en juin, celle de lieutenant en Acadie et en octobre, celle de capitaine des gardes de Frontenac. Lors du siège de Québec par Phips en 1690, il fut chargé de procéder à l’échange des prisonniers à la Pointe de Lévis, parmi lesquels se trouvaient Pierre Bécart de Granville et l’abbé Trouvé; il s’acquitta si bien de sa tâche que Frontenac le recommanda au grade de major.

En 1691, il devint capitaine à la place de M. d’Escairac (Desquerac) et, en août 1695, on lui laissa le commandement du fort Cataracoui (Frontenac) avec 48 hommes et l’ordre de chercher à s’entendre avec les Iroquois. De retour à Québec au printemps de 1696, il s’embarqua en juin sur la Bouffonne avec, comme officiers, Alexandre et Jacques, ses fils, ainsi que Charles Bécart de Fonville et 150 hommes d’équipage afin de harasser l’ennemi sur les côtes de l’Acadie. C’est en septembre de la même année que Church attaqua et dévasta Beaubassin.

Louis XIV nomma La Vallière major de Montréal le 28 mai 1699. À l’automne, Callières lui confia, avec le père Bruyas, la mission diplomatique de se rendre auprès du gouverneur de Boston, Bellomont, afin de rapatrier les prisonniers français et de connaître l’attitude de ce dernier à l’endroit des Indiens. Selon un mémoire conjoint de Callière et de Bochart de Champigny au ministre, en date du 6 novembre 1700, La Vallière était en mauvaise situation financière et ils le recommandaient à sa protection. Deux ans plus tard, le roi lui accorda une gratification de 500ª pour l’aider à mettre sur pied un établissement de pêche aux marsouins en Acadie, mais on ne croit pas qu’il ait jamais donné suite à ce projet.

À l’automne de 1704, La Vallière rentra en France porteur de lettres officielles de la part de Rigaud de Vaudreuil et de François de Beauharnois. Ces derniers l’y déléguèrent en raison de ses profondes connaissances des besoins du pays, des Indiens et des troupes et parce que, selon eux, il méritait la considération du ministre. Il y a tout lieu de croire qu’il profita de l’occasion pour solliciter la ratification de la concession originale de son domaine seigneurial de Beaubassin (1676) qui fut entérinée effectivement le 2 juin 1705. Cet arrêt confirmait les titres seigneuriaux de La Vallière à Beaubassin et à Chipoudy, tout en reconnaissant les droits d’occupation des colons primitifs de ces lieux. Ainsi prenaient fin les contestations entretenues à son endroit par deux groupes d’Acadiens de Port-Royal : celui du chirurgien Jacques Bourgeois établi à Beaubassin avant lui et celui de Pierre Tibaudeau établi à Chipoudy en 1698.

Sa mort survint probablement en juillet durant sa traversée de France au Canada.

Michel Leneuf eut une carrière bien remplie, car il fut à la fois marin, voyageur, trafiquant, seigneur, colonisateur, diplomate et gouverneur. Ce méritant Trifluvien, homme de confiance de Frontenac, laissa une œuvre inachevée à Beaubassin et il est regrettable qu’aucun de ses quatre fils ne l’ait poursuivie.

J.-Roger Comeau


Source :
Certains auteurs ont soutenu que La Vallière accompagnait les pères Dablon et Druillettes dans leur expédition vers la baie d’Hudson en 1661 (V. Jean Delanglez, Life and voyages of Louis Jolliet (Chicago, 1948), 151, et Marie de Saint-Jean d’Ars, À la recherche de la mer du Nord, 1661, RHAF, VIII (1954–55) : 220–235). P.-G. Roy le pensait aussi (BRH, XXII (1916) : 26), mais dans un autre ouvrage, il affirma que La Vallière n’avait pu participer à ce voyage (Les officiers d’état-major, 126–128). Le récit de cette expédition, contenue dans JR (Thwaites), XLVI : 252ss, ne mentionne pas La Vallière. Par conséquent, les preuves nous manquent pour affirmer qu’il y prit part. j.-r. c.]

AN, Col., B, 8, f.30v. ; 15, f.83 ; 20, f.228v. ; 22, f.99 ; 23, f.64 ; 25, ff.117, 117v. ; Col., C11A, 5, ff.268, 274, 304, 8, ff.150s. ; 11, ff.92, 97, 221 ; 13, f. 379 ; 14, ff.16, 185s. ; 18, f.24 ; 22, ff.23, 341 ; Col., C11D, 1, f.148 ; 5, ff.10, 81–83 ; Col., E, 277 (dossier de La Vallière), pièces 7, 55 ; Col., F3, 4, ff.493s. ; Section Outre-Mer, G1, 466 (Recensement de l’Acadie, 1686).— AQ, NF, Coll. de pièces jud. et not., liasse 5, pièce 242.— APC, MG 9, B 9, 2.— PRO, C.O. 1/55, 374.— Acadiensia Nova (Morse), I : 24–26, 92s. ; II : 56–58.— Charlevoix, Histoire, I : 388.— Coll. de manuscrits relatifs à la N.-F., I : 291–296, 298s.— Correspondance de Frontenac (1672–1682), RAPQ, 1926–27 : 111, 137.— NYCD (O’Callaghan et Fernow), IX : 304.— Webster, Acadia, 206–8.— P.-G. Roy, Les officiers d’état-major, 13, 124–146.— Tanguay, Dictionnaire, I : 381.— Bernard, Le drame acadien, 128–148.— Rameau de Saint-Père, Une colonie féodale, I : 145, 167–182, 243–246, 267–270.— Azarie Couillard-Després, Les gouverneurs de l’Acadie sous le régime français, 1600–1710, MSRC, 3e sér., XXXIII (1939), sect. i : 263–265.— Philéas Gagnon, Noms propres au Canada français, BRH, XV (1909) : 121.— Ganong, Historic sites in New Brunswick, MSRC, V (1899), sect. ii : 278, 304s., 315s.— B. T. McCully, The New England-Acadia fishery dispute and the Nicholson mission of August, 1687, Essex Institute, Salem, Mass., Hist. Coll., XCVI (1960) : 278–280.
© 2000 Université Laval/University of Toronto

Source document : (corrigé de l'original)
Dictionnaire biographique du Canada en ligne, Bibliothèque nationale du Canada et archives nationales du Canada


Dernière mise à jour : ( 22-02-2009 )
 
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