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L'histoire acadienne, au bout des doigts

Nouveau-Brunswick Version imprimable

 

Au Nouveau-Brunswick, les Acadiens sont majoritairement établis dans les régions du nord, nord-est (péninsule acadienne), sud-est et nord-ouest (Madawaska)

Les Acadiens du nord-est du Nouveau-Brunswick

Le nord-est du Nouveau-Brunswick doit sa fondation au mouvement d'exode provoqué par la Déportation tout au cours de la seconde moitié du 18e siècle.

Cependant, les côtes du Nouveau-Brunswick et particulièrement celles longeant la Baie des Chaleurs étaient déjà connues par les Français et les Acadiens depuis déjà fort longtemps.

Des relevés géographiques effectués aussi tôt qu'en 1506, identifient avec une précision relative les côtes de la Baie des Chaleurs. Cet élément nous laisse présager la présence des pêcheurs européens tels que les Bretons, les Normands et les Basques dans la région à des périodes aussi reculées que le 14e ou le 15e Siècle.


Jacques Cartier sillonna nos côtes lors de son expédition en 1534 et croisa plusieurs bateaux de pêcheurs. Champlain, dans ses expéditions en vue de préparer des cartes géographiques, visita également l'endroit en 1604.

C'est donc dans un territoire assez bien connu qu'en 1619 un groupe de marchands de Bordeaux installera sur l'île de Miscou un comptoir de traite pour le commerce de la pêche. De par sa position géographique, cette île était facilement accessible pour presque tous les pêcheurs du golfe St-Laurent.

Très vite, comme c'était la coutume à l'époque, les missionnaires suivront. Effectivement en 1620, les Récollets tenteront d'installer un poste missionnaire sur l'île de Miscou. Ceux-ci seront remplacés par les Jésuites en 1635.


Cette même année, Nicolas Denys reçoit en seigneurie tout le territoire longeant les côtes de l'Atlantique et ce, de Gaspé à Canseau. Il installera un poste de traite à l'île Miscou vers 1640. Forcé de partir, il ira se réfugier sur les côtes de la Miramichi pour ensuite aller finir ses jours à Nipisiguit.


Ce début de colonisation n'aura malheureusement pas de suite, et ni les Français ni les Anglais ne manifesteront d'intérêt marqué pour ce territoire avant les événements de 1755.

Chose certaine, ce coin de pays n'est pas inconnu des Acadiens de la Nouvelle-Ecosse lorsque ceux-ci seront déportés en 1755.

À cause de son éloignement des centres militaires et politiques, les Acadiens ayant échappé à la Déportation longèrent les côtes ou filèrent tout simplement à travers les bois afin de trouver refuge dans le nord du Nouveau-Brunswick actuel.

Un groupe s'arrêtera sur les rives de la Miramichi près de Néguac, alors que d'autres poursuivront leur route jusqu'à Caraquet. Certains se rendront jusqu'en Gaspésie.

Les Acadiens ne seront pas pour autant au bout de leur peine. Pourchassés à nouveau par les troupes anglaises qui ont vent de leur présence à la Baie des Chaleurs, les fugitifs n'auront d'autre choix que de trouver refuge à nouveau dans les bois. La menace d'une déportation n'est donc pas disparue et la célèbre bataille de Restigouche en 1760 ne rassurera certes pas les fugitifs. Toujours est-il qu'à partir de 1764, la présence acadienne est tolérée sur ces côtes du nord du Nouveau-Brunswick.

Dès lors, les établissements prendront donc une allure un peu plus permanente et quelques villages commenceront à prendre forme. Aux fugitifs des premières années, s'ajouteront les Acadiens installés à la Rivière St-Jean, ainsi que certains autres réfugiés de l'autre côté de la Baie des Chaleurs en Gaspésie.

Enfin, les compagnies maritimes de l'Ile Jersey, tels les Robin, ramèneront de France, dès les années 1770, un imposant groupe de déportés qu'elles installeront sur leurs terres et qu'elles plongeront dans une dépendance économique dont on ressent encore les effets de nos jours.

Jusqu'à la fin du 18e siècle, la côte sud de la Baie des Chaleurs est peuplée par une population francophone qui se développera à partir des centres tels que Restigouche, Ste-Anne de Bathurst, Caraquet, Shippagan, Tracadie et Néguac.

Très vite mis sous le joug des puissantes compagnies jersiaises, les Acadiens connaîtront un développement économique qui ne se fera certes pas toujours à leur avantage. L'évolution sociale et économique, tout au cours du 19e siècle, se fait très lentement d'autant plus que presque aucun pouvoir politique ne leur est accordé à Fredericton. Encore fortement ébranlés par le choc de la Déportation et occupés à survivre, les Acadiens du nord-est, tout comme ceux du reste du Nouveau-Brunswick, ne prendront conscience de leur identité collective que vers le milieu du 19e siècle.

Cette prise de conscience se fait voir par la création de maisons d'enseignement, de journaux, la participation de certains Acadiens à la chose politique et enfin par un mouvement de colonisation qui mènera à la fondation de quelques paroisses comme Paquetville et St-Isidore dans les années 1870.

L'émeute de Caraquet en 1875 où le jeune Louis Mailloux ainsi qu'un soldat anglais furent tués suite à une confrontation sur la loi des écoles non-confessionnelles du Nouveau-Brunswick représente, aux yeux de plusieurs, un symbole de survivance et de liberté pour ce peuple gravement lésé dans ses droits les plus fondamentaux.

Les Acadiens du sud-est du Nouveau-Brunswick

Cantonnés dans leur neutralité, les colons acadiens n'eurent pas trop à souffrir des trente premières années sous domination britannique. Les choses se compliquèrent quelque peu après 1740, alors que  la guerre éclate entre la France et l'Angleterre. Craignant des représailles de la part des Anglais, certains décident de remonter plus au nord pour s'installer aux alentours de l'isthme de Chignectou, région qui apparaît plus à l'abri des conflits.


Afin de protéger un territoire qu'elle considère sien, même si la question n'a jamais été éclaircie quant aux limites de l'Acadie, la France construit deux forts en 1751; Beauséjour et  Gaspareau. Il est donc tout naturel d'inviter les Acadiens de la Nouvelle-Écosse à s'établir près de ces forts en leur garantissant une certaine sécurité.


Ainsi prendront naissance les premiers établissements acadiens au sud-est du Nouveau-Brunswick. En 1752, une population de mille cinq cents âmes sera répartie autour de Tintamarre (Sackville), Chepoudy (Baie de Fundy), Peticodiac et Memramcook.


En 1755, le fort Beauséjour tombe aux mains des Anglais. Les colons établis aux alentours sont donc forcés de disparaître. Certains se cacheront dans les bois, tandis que d'autres se rendront à la Rivière St-Jean.

À l'automne, c'est la Déportation. Après s'être exécutés dans les villages acadiens de la Nouvelle-Écosse, les militaires britanniques remontent dans la région de Memramcook. Les colons peuvent cependant s'enfuir et les Anglais n'y trouvent que des maisons abandonnées.

Malgré les visites des troupes anglaises, certains ont réussi à demeurer en place. En 1759, plus de deux cents Acadiens sont encore installés sur les rives des rivières Memramcook et Peticodiac.

Ce ne sera cependant qu'après la signature du Traité de Paris, en 1763, que ces fugitifs recevront l'autorisation officielle de s'installer sur leurs terres. À partir de ce moment, ils seront très vite rejoints par d'autres fugitifs de la Nouvelle-Écosse.

De plus, au printemps 1766, un groupe de 200 Acadiens déportés au Massachusetts organise une caravane à travers les bois et entreprend un long et difficile voyage qui le conduira de Boston à Memramcook.

Quelques années plus tard, vers 1780, les Acadiens chassés de leurs terres à la Rivière St-Jean doivent maintenant trouver refuge ailleurs. Certains d'entre eux, ayant eu vent de la présence acadienne dans la région de Memramcook, décident donc de venir les rejoindre.

Tous ces mouvements de population font que l'espace devient assez limité autour de Memramcook. Il faut alors songer à développer d'autres villages.

Ainsi prend naissance la colonisation des comtés de Kent et Westmorland. On assiste à la création de villages le long de la côte, tels Richibouctou, Bouctouche, Cocagne, Shédiac et St-Louis-de-Kent.

Quoique encore fortement sous le choc de la Déportation, les Acadiens du sud-est amorcent le 19e siècle avec une organisation paroissiale relativement meilleure que dans le nord de la province.

Le sud-est du Nouveau-Brunswick peut, à juste titre, revendiquer l'honneur d'avoir donné le ton à l'éveil nationaliste qui a marqué la seconde moitié du 19e siècle chez les Acadiens des Maritimes.

La fondation du Collège de Memramcook en 1864, la parution du Moniteur Acadien en 1867 ont permis aux Acadiens de prendre conscience de leur identité collective par l'entremise de personnages tels que P. A. Landry, Placide Gaudet, Pascal Poirier et M. F. Richard.

Un mouvement de colonisation entrepris par Mgr. Richard dans les années 1870 stimulera l'agriculture dans le comté de Kent et donnera naissance à des villages tels Rogersville et Acadieville.

Le sud-est du Nouveau-Brunswick, en général, et la région de Memramcook, en particulier, ont donc servi de lien entre une ancienne Acadie décimée par la Déportation et une nouvelle Acadie qui ont, après plusieurs siècles, beaucoup de traits communs.

Nord-ouest du Nouveau-Brunswick (Madawaska)

«L'Acadie des terres et des forêts»

La tragique déportation des Acadiens en 1755 ne fut qu'un épisode de la lutte entre la France et l'Angleterre pour la maîtrise de l'Amérique du Nord. Quelques déportés se fixèrent à Ste-Anne des Pays-bas (Fredericton) d'où ils furent délogés en 1783 par les Loyalistes récemment arrivés de la Nouvelle-Angleterre. Ainsi, c'est à cause de l'effet combiné de la guerre d'Indépendance Américaine et du Grand Dérangement (1755) qu'est due la fondation du Madawaska en 1783 par un groupe d'Acadiens qui remontèrent le fleuve Saint-Jean et par un apport de pionniers originaires du Bas-Canada (Québec).

La double juridiction qui avait présidé à la fondation du Madawaska ne devait pas tarder à devenir une source de conflits entre les provinces de Québec et du Nouveau-Brunswick. La province du Bas Canada avait été la première à exercer son autorité sur ce territoire, en y concédant la seigneurie de Madouesca au pied du lac Témiscouata, en y établissant des postes pour la protection des transports. De plus la nationalité des habitants lui donnait un titre à la protection du territoire. Mais elle avait à l'encontre de ses prétentions le droit écrit des traités et des accords interprovinciaux, qui fixaient les limités des provinces "sur les hauteurs qui séparent les eaux se jettent dans le Saint-Laurent à celles qui se déversent dans l'Atlantique." En second lieu, le gouvernement du Nouveau-Brunswick, depuis la fondation de la colonie, y avait exercé une juridiction immédiate, continue et incontestée.

Aussi cette dernière province ne tarda-t-elle pas à s'insurger contre ce qu'elle appelait les empiètements du Bas-Canada sur son territoire. A ce sujet, le gouvernement de Fredericton envoya au Madawaska en 1787,son arpenteur général, George Sproule, rencontrer l'arpenteur du Canada, Samuel Holland, avec la mission d'en venir à une entente qui fixerait définitivement les frontières entre les deux provinces.

Les prétentions des deux représentants étaient tellement opposées qu'ils ne purent s'entendre sur un seul point. Sproule voulait placer la borne entre le lac Témiscouata et le fleuve Saint-Laurent sur les hauteurs de Saint-Honoré, s'appuyant sur les textes des conventions antérieures; tandis que Holland voulait inclure tout le Madawaska actuel dans le Bas-Canada, et de là, à la rivière Restigouche. Avec des vues aussi opposées, il n'est pas surprenant que l'accord désiré n'eut pas lieu.

Toutefois les colons, ayant appris que le BasCanada voulait inclure le Madawaska dans ses limités, adressèrent une requête au gouverneur Carleton; la requête portait la signature de soixante chefs de famille, c'est-à-dire plus des deux tiers de la population. La démarche semble avoir influé sur l'attitude du Canada qui, pour un temps, se désintéressa de la question des frontières. Mais les États-Unis allaient entrer en scène et unir, pour la défense commune, les deux provinces rivales.

Le traité de Versailles (1783) avait désigné, comme point de départ des frontières entre le Nouveau-Brunswick et l'Etat du Maine, la rivière Sainte-Croix. Or le nom de Sainte-Croix n'existait plus. Les États-Unis voulaient reconnaître pour l'ancienne Sainte-Croix la rivière Magaguadavic, tandis que le Nouveau-Brunswick soutenait que la rivière Schoudic était la Sainte-Croix.

La guerre de 1812 avait envenimé plutôt que réglé la controverse des frontières. La population du Madawaska, tant que durèrent les hostilités, fut continuellement dans la plus grande anxiété. Son sort, de même que son allégeance, dépendait de la fixation des frontières. On songea même un jour à proclamer la région contestée en pays indépendant. Résolution plus fière que pratique ou même sérieuse.

Le traite de Gand en 1814 met fin à la guerre anglo-américaine sans régler définitivement la question des frontières, laissées indéfinies à la suite du traite de Versailles de 1783, embrouillant ainsi les choses au lieu de les définir. La question des frontières devint une source de conflits intarissable. Le Nouveau-Brunswick et le jeune État du Maine continuèrent à se disputer la juridiction du territoire conteste.

Le cabinet Anglais confia en 1842 à Lord Ashburton, membre du Conseil Prive, la mission de venir rencontrer à Washington le diplomate américain Daniel Webster, secrétaire d'état des États-Unis, pour régler définitivement la question des frontières.
Le résultat des délibérations de ces deux arbitres fut la traite connue sous le nom d'Ashburton, signe à Washington, le 9 août 1842, qui établit la frontière actuelle. Par ce traite, que Palmerston a appelé "la capitulation d'Ashburton". L'Angleterre cédait à une puissance étrangère, comme disent les historiens Anglais, 7,000 milles carres de territoire.

La "République du Madawaska"

Le mythe de "République du Madawaska" (car de fait, ce n'est pas une vraie république dans le sens politique) tire son origine d'une réponse faite à un fonctionnaire français, en tournée d'inspection pendant la période de contestations, par un vieux colon du Madawaska, qui le trouva aimable et poli mais à son gré trop inquisiteur: "Je suis citoyen de la République du Madawaska" avec toute l'ampleur du vieux Romain disant: Je suis citoyen de Rome", et la morgue du londonien déclarant, surpris qu'on ne s'en soit pas aperçu, "I am a British subject."

Cette réponse est collective et bien caractéristique du citoyen de son pays, le Madawaskayen. Cette même boutade fut lancée par un député du Madawaska au cours d'une session de l'Assemblée Législative à Fredericton, entre 1920 et 1930; prenant la parole à titre de député du Madawaska, le docteur Lorne Violette de St-Léonard, résuma l'hospitalité proverbiale, la franche camaraderie, la robuste bonne humeur et la charmante indépendance de son comte et de sa population sous le nom de "République du Madawaska". Quand le Madawaska surgit dans une conversation, on dit avec sourire, "La République".

Comprenant les avantages publicitaires que pourrait retirer une république au sein d'un pays démocratique à constitution monarchique, deux citoyens d'Edmundston, le docteur P.C. Laporte, artiste-sculpteur à ses heures, et l'Honorable J. Gaspard Boucher, ancien secrétaire-trésorier du Nouveau-Brunswick et député fédéral, préparèrent des armoiries pour "La République" dont le docteur Laporte obtint l'enregistrement au bureau des Marques de Commerce à Ottawa, le 5 avril 1949.

Tout Madawaskayen devrait se faire un point d'honneur de lire l'Histoire du Madawaska de l'abbé Thomas Albert Pendant environ un siècle de son histoire, notre "République" vécut isolée et séparée du reste du monde, faute de moyens de communication. L'Ordre des chevaliers de "La République" contribue à perpétuer ces souvenirs du passe. "Ils accomplissent une tâche importante ceux qui s'appliquent à assurer la survivance des traditions nationales et régionales... Il faut d'abord connaître son milieu et en vivre pour apprécier à leur pleine valeur d'autres formes de culture. C'est en partant de la petite patrie que l'on peut s'élever à des conceptions plus vastes sans perdre contact avec la réalité humaine". (Pie XII au Festival International de folklore de Nice).

L'Ordre des chevaliers de la "République" comporte un exécutif de dix chevaliers. Le maire d'Edmundston, ex officio, est chargé de la présidence de l'Ordre et les maires des Municipalités ex officio dans le territoire en sont les Vice-présidents.

Parmi quelques douzaines de citoyens honoraires de "La République" brillent des noms des Canadiens les plus en vue dans la vie publique du pays ainsi que de plusieurs sommités dans diverses carrières.

Le but de l'Ordre est de travailler à l'épanouissement de cette partie du Canada, longtemps négligés par suite des litiges politiques décrits plus haut.

 

 





Référence:
Les Défricheurs d'eau, Cécilt Chevrier,1978, Village Historique Acadien Publication no 1


Dernière mise à jour : ( 04-08-2008 )
 
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