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L'histoire acadienne, au bout des doigts
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Les Acadiens en France, les Acadiens de France
Les Acadiens en France, c'était il y a près de 250 ans.
Les Acadiens en FranceLe rapatriement des habitants de l'île Saint-Jean et de l'île Royale constitue la première vague des Acadiens qui arrivèrent en France, en cette deuxième moitié du 18e siècle. Il y eut ensuite deux autres grandes arrivées :
Les documents de l'époque, conservés aux Archives de la Marine à Brest, désignent ces navires comme paquebots, mais il est fort probable que le confort offert aux passagers n'y était pas particulièrement extraordinaire, car la traversée fut marquée par la mortalité d'au moins du tiers des passagers. Les enfants en bas âge et les personnes âgées furent le plus touchés. Certaines familles furent totalement anéanties. D'autres n'eurent qu'un ou deux survivants, mais d'autres eurent la chance de débarquer au complet. Immédiatement après le débarquement, il y eut encore beaucoup de décès. À tel point, que le recteur (le curé) de Saint-Servan en fait la remarque à la fin du registre paroissial des sépultures de l'année 1759. Cependant, le nombre des Acadiens était encore trop important pour que ceux-ci puissent être logés à Saint-Malo et à Saint-Servan, qui était des villes déjà très populeuses. Les rapatriés ont donc été répartis dans les 37 paroisses environnantes qui acceptaient de les accueillir. Elles appartenaient à deux départements limitrophes: l'Ille-et-Vilaine et les Côtes-du-Nord. Ils vécurent là pendant 15 ou 20 ans, parfois même plus, en attendant d'être fixés sur leur sort. Ils y furent rejoints par une partie des Acadiens libérés d'Angleterre qui ils avaient passé sept ans en prison. Les autres avaient été débarqués à Brest, Morlaix, Cherbourg et Boulogne, mais ils vinrent également dans la région quelques années plus tard. En somme, les Acadiens étaient là en transit et attendaient que le roi de France trouve une solution satisfaisante pour les établir. À cette époque régnait Louis XV. Il était plein de bienveillance envers les Acadiens. Peut-être s'estimait-il moralement responsable de leurs malheurs? Il commença par leur octroyer une solde de six sols par jour et par personne, y compris pour les nouveau-nés. Cela ne compensait certainement pas tout ce qui a été perdu là-bas en Acadie, mais sans doute cela leur permit-il de vivre à peu près décemment. Cette somme correspondait à la solde des militaires en activité. Mais cela excite-t-il peut-être aussi la jalousie des populations locales. Malheureusement, cette solde n'était pas payée avec ponctualité et les Acadiens furent réduits à s'endetter pour survivre. En 1765-1766, un premier contingent d'Acadiens se vit proposer un établissement. L'abbé Le Loutre y avait très fortement contribué. 78 familles furent dirigées sur Belle-Île-en-Mer, où on leur donna terres, maisons, bétail et outils. La plupart de ces familles étaient de celles qui avaient été déportées en Angleterre en 1755 et qui étaient arrivées en Bretagne deux ou trois ans plus tôt. Cependant, parmi elles, 20 faisaient partie des rapatriés de I’Île Saint-Jean. ![]() ![]() On parlait de plus en plus d'un départ massif pour la Louisiane. Toutefois, l'attente à Nantes dura dix ans. Les conditions de vie y étaient précaires pour ceux qui n'y avaient pas trouvé d'emploi et qui n'avaient que la solde pour assurer leur subsistance. Entre temps, Louis XV était mort et son successeur Louis XVI s'intéressait peu aux Acadiens. Les difficultés financières du royaume étaient énormes et la solde des Acadiens avait été réduite à trois sols par jour à partir du 1er janvier 1778. Elle était toujours versée avec le même manque de ponctualité et les Acadiens en étaient encore réduits à s'endetter. Au moment du Grand Départ pour la Louisiane en 1785, certaines familles attendaient encore des arrérages de solde datant de 1776 : c'est-à-dire que le Trésor Royal leur devait de l'argent depuis neuf ans ! Ces dettes impossibles à rembourser ont empêché certaines familles de partir pour la Louisiane. Quelles relations les Acadiens entretinrent-ils avec les populations locales pendant tout leur séjour transitoire en France? Les documents d'archives ne les mentionnent pas expressément en tant que tel. Il faut donc les déduire en tirant des conclusions sur le contenu des documents, mais nous entrons dans un domaine éminemment subjectif. Pour ce faire, les registres paroissiaux des localités d'accueil sont nos principales sources. Pendant les premières années qui suivirent l'arrivée des Acadiens en Bretagne, tous les actes (baptêmes, mariages, sépultures) portent généralement une mention marginale signalant qu'il s'agit d'Acadiens indiquant la provenance des personnes concernées : de l'Acadie, de la colonie de l'Accadie, de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul, etc. D'autre part, la mention marginale disparaît au bout de dix ans environ et l'origine des personnes concernées devint de cette paroisse même. La conclusion logique est qu'aux yeux du clergé, les Acadiens étaient maintenant totalement assimilés. Qu'en est-il aux yeux de la population autochtone ? Cela est très variable et semble dépendre essentiellement de la paroisse considérée. Par exemple, à Saint-Suliac, petite localité d'Ille-et-Vilaine de la rive droite de la Rance, où 111 familles acadiennes (soit, près de 500 personnes) vécurent entre 1758 et 1774, il n'y a pas eu un seul mariage mixte Acadien-Breton. Qui plus est, les témoins cités à la fin des actes sont toujours Acadiens pour les cérémonies acadiennes et Bretons pour les cérémonies bretonnes. Ces détails semblent indiquer que les deux populations ont vécu côte à côte tout ce temps-là, sans entretenir la moindre relation entre elles.
Par contre, à Pleudihen, localité des Côtes-du-Nord, sensiblement de même importance que Saint-Suliac et distante d'environ quatre kilomètres, il y eut des mariages mixtes. Peu, mais il y en eut quand même. Le châtelain du village, veuf et sans enfants, adopta légalement un Acadien: Amand Boudrot, dont il fit son légataire et qui devint, après la Révolution, chef de la section locale de la Garde Nationale chargée de maintenir l'ordre sur le territoire de la paroisse maintenant devenue commune. On peut donc dire qu'à cet endroit, il y eut des relations entre Acadiens et Bretons. Il en fut de même dans d'autres localités bretonnes, comme Saint-Enogat (aujourd'hui, Dinard), Saint-Malo et Saint-Servan. À Nantes également, il y eut des unions mixtes entre Français et Acadiens pendant les dix ans d'attente. Les Acadiens de FranceLe chiffre officiel des Acadiens partis en Louisiane, avancé par l'Intendant de Bretagne lui-même, est de 1 599 personnes. Nous ignorons si ce chiffre inclut les enfants à la mamelle et les nouveau-nés qui, normalement, ne devaient pas être pris en compte pour le calcul du prix du passage en Louisiane. D'autres Acadiens étaient partis de Saint-Malo en 1774: les Robin, marchands de Jersey, les avaient emmenés en Gaspésie pour les faire travailler pour leur compte. Mais un certain nombre d'Acadiens sont tout de même restés en France. Ils y ont fait souche et leurs descendants sont aujourd'hui fort nombreux. Ce sont les Acadiens de France. D'abord localisés dans les régions où les ancêtres acadiens s'étaient définitivement installés: Belle-Île-en-Mer, le Poitou, Nantes, Saint-Malo. Les Acadiens de France sont maintenant, la mobilité professionnelle aidant, disséminés sur l'ensemble du territoire. Mais il existe toujours de gros noyaux dans les régions précitées.
Source : Texte d’une conférence présentée à la réunion des Brault - Breau – Breault par Monique Hivert-Le Faucheux, à Néguac, N.-B., le 23 juillet 1988. Les cahiers de la Société historique acadienne, VOL. 21, NO 4, 1990
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Dernière mise à jour : ( 20-12-2011 ) |
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