Pendant que la France semblait abandonner l'Acadie, l'Écossais William Alexander, comte de Sterling, membre de la Chambre des Lords, favori des rois d'Angleterre, rêvait d'établir sur des terres nouvelles un certain nombre de ses compatriotes d'Écosse. Profitant du déclin que subissait l'Acadie, s'appuyant sur les découvertes de Jean Cabot (de nationalité anglaise, mais d'origine italienne) depuis 1497 et sur la conquête d'Argall de 1613, il obtint en 1621 de Jacques 1er d'Angleterre une charte qui le constituait lord propriétaire des trois provinces Maritimes d'aujourd'hui. Et comme il y avait déjà dans cette partie du monde une Nouvelle-Angleterre et une Nouvelle-France, il voulut donner à sa concession le nom de Nouvelle-Écosse.
Cependant, au cours des années qui suivirent, Alexander ne réussit à persuader aucun Écossais à émigrer dans son nouveau domaine. Aussi, durant ce temps, s'était élevé en France un puissant adversaire, à savoir le cardinal Richelieu. En 1627, celui-ci devait créer pour la protection de la Nouvelle-France une compagnie qui devait porter le nom de Nouvelle-France, dite aussi des Cent-Associés, en raison du nombre de ses membres. Puis en 1627-28, afin d'amoindrir son pouvoir politique, il fit une démonstration de force en dressant un blocus devant la ville protestante de La Rochelle qui dut capituler après un an de siège, malgré l'aide reçue des protestants d'Angleterre.
Vaincus en France, les protestants pensèrent se rabattre sur ce qui restait à la France dans le Nouveau Monde. À cette époque à Londres, vivait la famille Kirke bien connue en histoire. Elle comptait cinq garçons dont David, Thomas, Lewis, qui seraient tous nés à Dieppe semble-t-il, où la famille avait vécu une quarantaine d'années, car ils étaient de nationalité française, au moins à cause du commerce qu'elle faisait entre ce port et l'Angleterre.
S'étant définitivement établis en Angleterre à cause de leurs croyances religieuses, ces Kirke, que l'on a appelés dans le temps des «Français reniés et anglisés», voulurent se venger de la défaite subie à La Rochelle par les protestants, tant français qu'anglais. Au printemps de 1628, David Kirke, l'ainé, ayant avec lui au moins deux de ses frères, partait d'Angleterre avec trois vaisseaux que Charles 1er avait mis à sa disposition dans le but de faire la conquête de la Nouvelle-France. En cours de route, ils saisirent une flotte française qui allait ravitailler Québec et les gens du Cap Sable. Ils firent prisonniers Claude Roquemont de Brison, qui était à la tête de l'expédition, ainsi que Claude de La Tour, qui commandait l'un des navires. S'étant emparé de Miscou, qui était un refuge pour les pêcheurs plutôt qu'un établissement, ils se rendirent au sud de la Nouvelle-Écosse pour saisir Thiebée (aujourd'hui Chebogue), près de Yarmouth, où Lomeron avait eu un comptoir, ainsi que Port-Royal et Pentagoët. Cependant, ils ne mirent pas la main sur le Cap Sable où ils ignoraient sûrement la présence des Français. Ils amenèrent les prisonniers en Angleterre pour revenir l'année suivante prendre Québec et faire d'autres prisonniers, dont Champlain, qu'ils amenèrent avec eux et firent ensuite passer en France.
Après ces conquêtes des Kirke, William Alexander, dont la concession avait été confirmée en 1625 par Charles 1er, voyant que le terrain était libre en Nouvelle-Écosse pour y installer des colons, réussit à persuader un certain nombre d'Écossais d'émigrer dans son territoire. Ainsi en 1629, il envoyait ces recrues avec son fils, appelé comme son père, William Alexander (fils), pour fonder une colonie écossaise à Port-Royal . Au cours de son trajet, le jeune Alexander déposa au port de la Baleine dans l'île du Cap-Breton, Sir James Stewart, Lord Ochiltree, pour y établir également une base anglaise.
Pour mieux réussir dans son plan de colonisation, William Alexander avait imaginé un système de baronnage grâce auquel il attribuerait le titre de baronet aux personnes qui investiraient un certain montant d'argent pour financer son projet. Il s'aperçut, mais trop tard, qu'il ne pouvait pas occuper toute la Nouvelle-Écosse; en effet, les Kirke avaient laissé le Cap Sable entre les mains de Charles de La Tour. Pour assurer sa fidélité ou au moins pour le mettre sous contrôle, il voulut faire appel à la vanité du père et du fils, en leur offrant une grande étendue de terrain au sud de la Nouvelle-Écosse comme baronnie, faisant l'un et l'autre, des baronnets de son ordre à titre gratuit. Malheureusement, le père, qui ne voyait aucune chance que la France redevienne maître de l'Acadie, ayant épousé à Londres une des dames d'honneur de la compagnie de la reine Henriette-Marie de France, femme de Charles 1er, se laissa prendre par Alexander. Afin de convaincre son fils d'en faire autant, il s'embarqua au printemps de 1630, accompagné de sa femme, avec le jeune William Alexander qui, peu auparavant, était revenu de Port-Royal pour y retourner presque immédiatement. Arrivé à port La Tour, Claude de La Tour voulut faire miroiter aux yeux de son fils les avantages qu'il aurait de s'allier aux Anglais.
Charles de La Tour ne voulut rien entendre de tout cela. On en vint aux armes, et le fils gagna la bataille, de sorte que le père, tout confus, dut se retirer à Port-Royal avec les Écossais qui s'y trouvaient. Charles de La Tour n'avait pas été sans comprendre les agissements de son père. Il envoya donc un messager lui demander de laisser le parti anglais et de venir le retrouver au Cap Sable avec sa femme. Ce dernier n'eut pas de difficulté à laisser Port-Royal pour venir s'installer auprès de son fils. Au même moment, celui-ci recevait de France les secours demandés trois ans plus tôt.
Source:
Petit manuel d'histoire d'Acadie - Des débuts à 1670, La Librairie Acadienne, Université de Moncton, Rev. Clarence-J. d'Entremont ,1976
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